n

n
nnnn
Alors que les débats sur le projet de loi « Immigration » occupent le devant de la scène législative et médiatique, l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID) vient de publier une note sur le modèle suisse en la matière, rédigée par Paul Zurkinden.
nnnn
Nicolas Pouvreau-Monti, cofondateur de l’OID, répond à nos questions sur ce sujet.
n
n
nnnn
nnnn
Propos recueillis par Bartolomé Lenoir.
nnnn
Pouvez-vous nous expliquer les bases juridico-politiques du modèle suisse ?
nnnn
Le modèle suisse d’immigration repose sur deux bases essentielles : la première consiste en une sélectivité très forte des immigrés, la seconde réside dans le haut degré de contrôle démocratique sur les questions migratoires.
nnnn
Il y a, à première vue, un paradoxe helvétique : la Suisse est l’un des pays d’Europe comportant la plus forte proportion de population étrangère (24,7%) par rapport à sa population générale. Toutefois, c’est un pays qui pratique une politique d’immigration réfléchie et structurée, avec plusieurs aspects très distinctifs :
nnnn
Une priorité accordée à l’immigration européenne de manière explicite : de fait, 83% des étrangers résidant en Suisse sont européens et seuls 5% viennent d’Afrique.
nnnn
La priorité assumée en faveur d’une immigration choisie, à haute valeur ajoutée économique. Le candidat extra-européen à l’immigration doit être doté de qualifications précises donnant accès à des postes spécifiques. Cette approche est encadrée par des quotas au niveau fédéral et cantonal, via un système d’autorisations de séjour ; en 2023 par exemple, il n’y a eu que 8 500 autorisations de séjour programmées.
nnnn
Le système de naturalisation suisse compte parmi les plus exigeants d’Europe. Pour prétendre en bénéficier, il faut remplir un ensemble de critères stricts – relatifs à la durée de séjour, au respect de l’ordre public, à l’intégration à l’économie et à la communauté locales… Ces critères se déclinent au niveau fédéral, cantonal et communal. De surcroît, il y a un contrôle démocratique très fort sur l’acquisition de la nationalité suisse : dans certains cantons, des commissions de naturalisation constituées de citoyens locaux sont en place, devant lesquelles les candidats doivent se présenter. Même si une voie d’accès à la naturalisation est facilitée à partir de la troisième génération, il n’y a donc rien qui s’apparente à un droit du sol en Suisse.
nnnn
Comment ce système s’inscrit-il inscrit dans la législation suisse ?
nnnn
D’abord, le gouvernement (le Conseil fédéral) arrête un nombre maximum d’autorisations de séjour pour la Confédération suisse. Il y a deux types de quotas : les autorisations de séjour de courte durée (4 000) et les autorisations de séjour plus longues (4 500).
nnnn
Il y a ensuite un contingentement de ces autorisations de séjour par canton : c’est-à-dire que chaque canton, parmi le nombre maximal d’autorisations défini au niveau fédéral, a droit à son quota déterminé proportionnellement à sa démographie et aux besoins de l’économie locale. Le gouvernement fédéral garde par ailleurs un important « stock » d’autorisations de séjour en réserve, pour les distribuer entre les cantons au cours de l’année selon les besoins identifiés.
nnnn
Comment s’organise, au niveau de ces quotas, la priorité accordée à l’immigration européenne ?
nnnn
Ce système de quota ne concerne que les ressortissants des pays hors UE et AELE (Association Européenne de Libre-Échange). Chacun sait que la Suisse ne fait pas partie de l’UE ; elle est néanmoins membre de l’espace Schengen et ouvre donc l’accès à son marché du travail pour les citoyens européens.
nnnn
Pour les citoyens de l’UE et de l’AELE, il existe un système facilité d’accès au marché du travail qui fonctionne selon un système de livrets : un livret L (correspondant à une autorisation de séjour courte durée), un livret B (correspondant à une autorisation de séjour plus longue) et un livret C (autorisation d’établissement après 10 ans de résidence en Suisse). Dans tous les cas, citoyens européens ou non, il faut donc un titre pour travailler en Suisse.
nnnn
Quel régime est appliqué aux ressortissants extra-européens ?
nnnn
La démarche est beaucoup plus complexe : seuls les cadres, spécialistes et travailleurs qualifiés peuvent être admis à travailler en Suisse et obtenir ainsi des autorisations de courte durée ou de séjour. Mais ces autorisations ne sont délivrées qu’après une vérification en trois étapes :
nnnn
D’abord, l’employeur en besoin doit apporter la preuve qu’il a annoncé le plus rapidement possible la vacance du poste à l’Office cantonal de l’Emploi et que le service du placement n’a pas pu trouver un candidat dans un délai raisonnable. Par cette première vérification, la Suisse donne priorité aux personnes qui sont déjà sur le marché du travail suisse.
nnnn
Deuxièmement, l’employeur doit prouver qu’il a fait, en temps opportun, des recherches approfondies en Suisse et dans les pays de l’UE et de l’AELE, en vue de trouver un travailleur qui a le profil requis.
nnnn
Troisièmement il doit prouver que pour le poste en question, il ne peut former ou faire former, dans un délai raisonnable, un travailleur qui est disponible sur le marché du travail suisse.
nnnn
Il y a donc bien, en Suisse, un système qui s’apparente à la préférence nationale (ce terme n’étant pas marqué de manière partisane comme en France). C’est-à-dire qu’on regarde d’abord les travailleurs disponibles sur le marché du travail suisse, avant de chercher parmi les candidats européens et, en dernier recours, de demander une autorisation de travail sur le quota fixé pour les ressortissants extérieurs.
nnnn
Comment se fait la demande de titre de séjour si elle ne vient pas d’un employeur dans le besoin ? Un Polonais qui arriverait en Suisse par exemple, peut-il faire la demande à son arrivée ou fallait-il la faire à l’extérieur, avant son arrivée ?
nnnn
La situation des Européens et des extra-européens est différente. Le Polonais peut s’installer librement en Suisse sans avoir d’activité lucrative et y résider s’il obtient un livret B, dans la mesure où il dispose des ressources économiques personnelles pour y subvenir à ses propres besoins. Pour les extra-européens dans la même situation, outre les critères d’autosuffisance financière, les exigences sont différenciées en fonction de la nature du séjour (étudiants, retraités, etc). La poursuite du séjour en Suisse après l’achèvement des études est une sorte de « retour à la case départ » : les demandeurs doivent repasser par la procédure ordinaire, sans privilège quelconque.
nnnn
Le cas de l’asile est spécifique, la Suisse étant signataire de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et de la Convention de Genève de 1951 sur ce thème. Des contraintes s’imposent au pays en la matière. Il ne faudrait donc pas idéaliser le modèle suisse, car il y a un réel impact du droit international sur le droit interne.
nnnn
Mais cet impact n’est-il pas tempéré par le recours récurrent aux votations populaires sur le sujet ?
nnnn
En effet, depuis quelques décennies maintenant, les votations populaires sont couramment utilisées en matière d’immigration. Actuellement, l’UDC (parti qui a de nouveau remporté les élections d’octobre 2023 avec 28,5% des voix) propose notamment de soumettre une votation sur la récusation des traités de libre-circulation desquels la Suisse est adhérente, à partir du moment où sa population atteindra les 10 millions d’habitants. De fait, cette interrogation fréquente des Suisses sur le sujet de l’immigration via le référendum présente un double avantage. C’est d’une part la garantie que les normes qui en sont issues s’imposent – y compris par rapport au droit international. Et d’autre part, c’est la garantie d’un débat apaisé. La votation étant un véritable outil de contrôle démocratique, il permet de ne pas donner aux Suisses le même sentiment de dépossession que les Français ont sur les choix faits en matière d’immigration.
nnnn
À propos de l’immigration illégale maintenant. Quelle est la situation en Suisse ?
nnnn
L’immigration illégale est, par définition, plus difficile à appréhender. Le nombre d’immigrés clandestins présents était estimé entre 58 000 et 105 000 en 2015, l’hypothèse la plus probable se situant autour de 76 000 personnes. Les ressortissants de pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud en constituaient le plus gros important contingent (43 %), suivis des ressortissants de pays d’Europe hors UE/AELE (24 %), d’Afrique (19 %) et d’Asie (11 %).
nnnn
Selon une étude menée par l’Université de Genève, « près des deux-tiers des sans-papiers sont entrés en Suisse comme clandestins ou comme touristes, tandis qu’un cinquième ont été déboutés de l’asile ou sont restés en Suisse après expiration de leur permis B ou C (…). Selon les spécialistes, neuf sur dix adultes travaillent ; la moitié dans les ménages privés ».
nnnn
Justement, comment la Suisse fait-elle pour renvoyer les immigrés illégaux ?
nnnn
Il y a deux différences par rapport au système français. L’une tient au fait que les immigrés illégaux en Suisse viennent de pays qui sont un peu plus coopératifs pour reprendre leur ressortissants que les Etats d’origine qui nous concernent dans la situation française. La seconde différence porte sur l’asile, pourvoyeur majeur d’immigration clandestine en France (96% des déboutés demeurant sur le territoire national selon la Cour des Comptes). La procédure longue d’asile en Suisse peut prendre 5 mois maximum en intégrant les recours, la procédure la plus courte dure un mois. Durant l’instruction de leurs dossiers, les demandeurs d’asile sont assignés dans un centre fédéral ou cantonal pour requérants – ce qui facilite évidemment leur éloignement dans l’hypothèse où leur dossier est rejeté.
n
L’article Le modèle Suisse d’immigration. Explication de Nicolas Pouvreau-Monti, cofondateur de l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie. est apparu en premier sur Une certaine idée.
n
Leave a Reply